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October 22, 2019
BILBoard Octobre 2019 – Les pastilles pour la gorge des banques centrales
L’automne est arrivé, et avec lui son cortège de toux, de rhumes et d’autres affections plus sévères. Et il n'est pas impossible que l’économie mondiale présente un tableau clinique similaire. Le secteur manufacturier nous semble à ce stade cloué au lit et on redoute que d’autres pans de l’économie présentent bientôt les mêmes symptômes. Les banques centrales font ce qu'elles peuvent mais, en l'absence de règlement des différends commerciaux ou d'une réelle volonté de mener une politique de relance budgétaire, il est peu probable qu'elles parviennent à elles seules à remettre l'économie complètement sur pied.
En effet, le principal risque qui
pèse sur l’économie réside dans l’impossibilité de placer en quarantaine des
secteurs qui souffrent de la guerre commerciale. La performance future des
actifs risqués dépendra largement de l'ampleur de la contagion. Les grandes
questions sont désormais les suivantes :
- À
quel point le malaise dans le secteur manufacturier se propagera-t-il aux
services ? - Le
pessimisme des entreprises infectera-t-il les chiffres de l’emploi (et en
dernier ressort la consommation des ménages) ? - Dans
quelle mesure les risques macroéconomiques rejailliront-ils sur la
microéconomie ?
Une telle incertitude appelle une
nouvelle fois la prudence dans nos choix d’allocation d’actifs.
Secteur manufacturier : un
pessim-ISM-e accru
La guerre commerciale
sino-américaine a de vastes répercussions en raison de l'interconnexion des
chaînes de production partout dans le monde et les usines commencent à
ressentir le gros de son impact. Un accord commercial se fait attendre
jusqu'ici et la possible destitution du président des États-Unis accentue
l'incertitude suscitée par un tableau clinique déjà complexe. En l'absence
d'avancée dans les négociations commerciales, l'indice PMI manufacturier de
l'ISM relatif aux États-Unis est tombé à 47,8 en septembre contre 49,1 le
mois précédent, plombé par la composante Nouvelles commandes à l'exportation.
Ce chiffre, le plus bas depuis juin 2009, est nettement inférieur au seuil des
50 points, synonyme de contraction. De l'autre côté de l'Atlantique, les
indices PMI du mois de septembre ont mis en évidence une aggravation de la
récession du secteur manufacturier en Allemagne (le PMI a dévissé à 41,7). Le
PMI à l'échelle de la zone euro fait bien pâle figure, à 45,7.
Coup de froid sur les
services ?
Même si l'indice
PMI pour les États-Unis calculé par le cabinet IHS Markit Services (confirmé à
50,9 en septembre) reflète toujours une expansion, il témoigne aussidu
fléchissement des intentions d'embauche. En Allemagne, le secteur des services,
de loin le plus important contributeur au PIB, est en nette perte de
vitesse : le PMI d’IHS Markit est tombé à 51,4, contre 54,8 en août. Le
PMI pour l'ensemble de la zone euro est tombé à 51,6, contre 53,5 en août,
plombé par la diminution des carnets de commandes et des nouvelles commandes.
En plus de l'épidémie engendrée par
la guerre commerciale qui touche le secteur manufacturier, l'économie mondiale
est également confrontée à une série de risques spécifiques à certains
pays : la date butoir du 31 octobre pour le Brexit, l'agitation
persistante à Hong Kong (qui a longtemps servi de hub commercial, tertiaire et
logistique pour l'économie chinoise et, plus largement, le continent asiatique)
et les tensions géopolitiques au Moyen-Orient (qui ont des répercussions sur
les cours du pétrole).
Le moral des entreprises est déjà
miné par tous ces facteurs, d’où la baisse de leurs investissements et une
gestion plus rigoureuse de leurs stocks. Pour le moment, la peur n'a pas encore
gagné le marché du travail : le taux de chômage aux États-Unis est
tombé à 3,5 %, au plus bas depuis 50 ans, et les demandes
d'allocation chômage restent à un niveau bas d'un point de vue historique.
Même dans la zone euro, le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis
2008 (7,4 %). Dans la mesure où les perspectives d'emploi restent
clémentes, le moral des ménages résiste bien... pour le moment.
Actions
Les ménages continuent de
consommer, mais la grande question est de savoir si les hausses des tarifs
douaniers seront suportées par les consommateurs ou absorbée par une réduction
des marges des sociétés. À l'approche de la saison des résultats du troisième
trimestre, nous avons maintenu notre exposition aux actions en attendant les
indications communiquées par les entreprises quant à l'évolution future de leurs
résultats net. Et même si la saison des résultats du troisième trimestre se
passe bien, les investisseurs risquent de se projeter très vite vers les
chiffres de l'exercice 2020, qui pourraient être nettement revus à la baisse.
Jusqu'ici, les analystes ont à peu près maintenu leurs estimations malgré la
dégradation de l'environnement macroéconomique et les signes que le conflit
commercial pourrait encore perdurer pendant plusieurs mois.
La rotation aussi brève que
turbulente sur les marchés actions est désormais derrière nous et les valeurs
défensives et de croissance retrouvent les faveurs des investisseurs. Pour le
moment, nous privilégions les actions américaines tout en maintenant un
positionnement sectoriel neutre. En termes de style, nous avons une préférence
pour les valeurs de croissance présentant une valorisation raisonnable. Notre
exposition existante aux actions profite, et devrait continuer à profiter, du
soutien des banques centrales.
Obligations
Les banques
centrales ont annoncé de généreux programmes d'assouplissement mais, au fond,
cela revient à distribuer des pastilles pour la gorge : le confort du
malade s'en trouve amélioré à court terme sans pour autant favoriser une
guérison à plus long terme. Les taux « durablement bas » (synonymes
d'une longue période de rendement négatif) pourraient s'avérer
contre-productifs à long terme et nous constatons avec une certaine inquiétude
que l'assouplissement quantitatif s'apparente désormais aux antibiotiques, qui
perdent de leur efficacité. Mais pour le moment, les marchés savourent leur
nouveau traitement monétaire.
Si la BCE relancera son programme
d'assouplissement quantitatif au début du mois de novembre, il est peu probable
que d'autres mesures audacieuses soient adoptées prochainement, le temps pour
Christine Lagarde de prendre ses marques (et peut-être aussi d'aplanir les
divergences internes). La posture accommodante de la BCE est de bon augure pour
les obligations investment grade (IG) européennes, dont les spreads sont
relativement stables. Les obligations IG américaines sont moins attrayantes
étant donné le coût élevé d’une couverture et les fondamentaux, ternis par
l'augmentation de la dette brute et la diminution des ratios de couverture de
la charge des intérêts.
Aux États-Unis, la probabilité
implicite d'une baisse des taux de la Fed à la fin octobre a augmenté de
40 % à 75 % dans le sillage de la publication d'indices PMI
décevants. Nous prévoyons effectivement une nouvelle baisse des taux d'ici la
fin de l'année, mais peut-être pas dès le mois d'octobre. S'agissant de l'année
2020, les marchés anticipent un cycle de baisse des taux directeurs très
graduelle jusqu'en décembre, mais compte tenu du ralentissement de l'économie
et de la faiblesse des anticipations d'inflation, la Fed pourrait baisser ses
taux plus vite que prévu. En guise de couverture macroéconomique, nous avons
une préférence pour les bons du Trésor américain par rapport aux Bunds
allemands, la pondération globale étant définie en fonction du profil de risque
de chaque portefeuille.
Conclusion
Depuis la réunion de notre comité le mois dernier, la situation n'a guère changé sur le front macroéconomique. La croissance ralentit, mais la consommation privée résiste bien, s'affirmant comme le pilier de l'économie. Les répercussions sur certains pans de l'économie mondiale semblent tout juste contenues et les banques centrales soutiennent les marchés financiers à court terme. Nous réévaluerons notre allocation d'actifs une fois que davantage d’entreprises auront publié leurs résultats du troisième trimestre, et ce afin d'éclairer notre diagnostic quant à l’état de santé du tissu microéconomique.
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