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May 11, 2020

Au-delà de l’abysse du Covid-19

S’il y a bien une chose que nous avons apprise cette année, c’est que les prévisions peuvent voler en éclats du jour au lendemain. C’était vrai hier et ce sera toujours le cas demain. Le changement est la seule constante. La crise du Covid-19 transformera le monde de demain. Notre système mondial s’ajustera de diverses manières qui auront des répercussions significatives bien après le confinement. Dans le futur post-pandémie, on peut penser que la santé sera le bien le plus précieux et que la politique, nos sociétés et les marchés financiers connaîtront des bouleversements majeurs et une refonte en profondeur.

Il faut être réaliste : nous
ne savons pas quelle sera l’issue de cette crise pour l’économie ou les marchés
financiers, d’autant que les épidémiologistes savent encore peu de choses sur
le virus. Toutefois, l’histoire nous enseigne que l’optimisme est souvent
payant pour les investisseurs.

La crise actuelle est destructrice,
douloureuse et anxiogène. Néanmoins, l’histoire nous apprend aussi que
certaines des innovations les plus utiles sont nés de la l’impérieuse nécessité.
Pendant la Grande Peste de 1666, Isaac Newton a lui aussi été contraint de
travailler depuis son domicile. Il a mis ce temps à profit judicieusement pour
achever quelques-uns de ses meilleurs travaux de recherche [1].  La Seconde Guerre mondiale a débuté à cheval
et s’est achevée avec la découverte du pouvoir de l’atome. Aux quatre coins de
la planète, les chercheurs se sont lancés dans une course au vaccin contre notre
ennemi commun. Sur le plan médical, nous n’avons jamais été aussi bien préparés
à lutter contre un virus. Mais psychologiquement, « ce qui était un aspect
tragique mais attendu de la vie il y a cent ans est désormais un aspect
tragique et inconcevable de la vie en 2020 » [2]. Dans notre monde moderne
où l’homme s’est convaincu qu'il avait la maîtrise des choses, la tolérance à
l’égard des pandémies n’est plus du tout la même que par le passé.

En réalité, nous avons très peu
d'emprise sur les choses qui se passent dans le monde. Mais lorsque l'on n’a
pas d’emprise sur les événements, on peut toujours maîtriser la réponse que
l'on y apporte et c’est en cela que réside notre pouvoir. En définitive, la
planification patrimoniale consiste à se préparer au pire mais à planifier le
meilleur.

Dans cet article, nous nous efforçons de deviner à quoi le monde de demain pourrait ressembler. Toutefois, les lecteurs doivent comprendre qu'il ne s’agit pas de prévisions mais plutôt d’une appréciation de ce qui se passera potentiellement et d’une boussole pour s’orienter dans des scénarios potentiels, sans échelle de temps définie. Il s’agit, au fond, de notre vision de l’avenir, que nous présentons avec autant d’humilité que possible, sans chercher à donner une illusion de précision.

C R O I S S A N C E

On se souviendra du coronavirus
comme du facteur déclencheur de l’une des pires crises économiques mondiales et
synchronisées de l’histoire moderne. Les contractions de PIB désormais prévues
sont d'une ampleur inédite et les investisseurs n’avaient jamais été confrontés
à une telle incertitude. Nous sommes indéniablement en terre inconnue et il
faudra des années pour que les répercussions de cette crise soient connues et
ressenties. Il sera peut-être plus facile de rebondir après une récession
induite par les mesures de restrictions prises par les autorités mais cela
reste à voir, d’autant qu’un nouveau dilemme se profile à l’horizon : plus
le confinement sera long, plus la reprise économique sera lente mais plus le
déconfinement sera rapide, plus la reprise économique sera à risque.
L'économiste et député européen Luis Garicano a estimé qu’en l’absence de
vaccin, nous serons probablement confrontés dans les mois à venir à une
« reprise zombie où, d’un point de vue économique, nous ne serons ni
vraiment vivants, ni vraiment morts… dans une sorte d’entre-deux ». En
d’autres termes, plutôt que la légendaire reprise en forme de V, un rebond en
forme de « cochez une case » nous semble davantage probable, à savoir
un vif décrochage de la croissance, suivi d’une remontée lente et graduelle
vers les niveaux précédents à mesure que les gouvernements lèveront (provisoirement)
les restrictions.

D E T T E

Partout dans le monde, les
autorités ont réagi promptement en prenant des mesures de relance destinée à
éviter un effondrement économique après le déconfinement. Cette réaction était
nécessaire et la question de son coût ne se pose tout simplement pas pour le
moment. En pratique, cela signifie que :

  • Les déficits
    budgétaires
    vont atteindre des niveaux sans précédent. La seule consolation
    est qu'il s'agira d'un phénomène mondial et que les investisseurs vont
    probablement relativiser. Demain, les ratios dette publique/PIB de 150 %,
    voire plus, deviendront probablement la norme. La résorption des déficits
    publics dans les années à venir, si tant est qu'elle se produise, se fera
    vraisemblablement au prix d'une hausse des impôts conjuguée à une baisse des
    dépenses publiques (même si d'autres scénarios sont possibles). Cela ne veut
    pas dire que les investisseurs ne doivent pas s'inquiéter de l'envolée de la
    dette. Mais ils doivent garder à l'esprit que si la crise actuelle est un choc
    transitoire, alors la dépense publique doit être considérée comme une solution
    immédiate et ponctuelle pour compenser l'effondrement de la demande causé par
    le confinement. Une politique budgétaire hétérodoxe ne deviendra pas
    nécessairement une caractéristique permanente de nos économies. Il est vrai que
    la faiblesse des taux d'intérêt nous donne une occasion rêvée d'emprunter en ce
    moment mais d'aucuns affirment que cela pourrait nuire aux générations futures.
    En fin de compte, nous ne viendrons jamais à bout de la dette. La dette
    publique n'a pas à être remboursée, ni effacée : il faut simplement la renouveller.
    Tant que la croissance économique se poursuivra, on peut s'attendre à ce que la
    dette augmente elle aussi.

  • Les bilans des banques
    centrales vont enfler.
    Il n’y a là rien de
    nouveau. La nouveauté réside dans l’ampleur des achats d’actifs et la nature
    des instruments que les banquiers centraux considèrent désormais comme
    éligibles, quitte à être moins regardants sur la qualité.

Au bout du compte, l’envolée
simultanée des déficits budgétaires et du bilan des banques centrales signifie
que la théorie monétaire moderne (TMM), qui traîne une réputation sulfureuse
lui valant parfois le sobriquet de « l’arbre à monnaie magique »,
s'inscrit dans un avenir relativement proche. Compte tenu du rendement offert à
l'heure actuelle par certaines obligations de grande qualité, il n'est guère
surprenant de voir certains suggérer l’émission d’obligations perpétuelles sans
coupon, ce qui reviendrait pour les épargnants à soutenir l'effort de guerre
contre la pandémie.

I N F L A T I O N

D'un point de vue économique, les
questions les plus significatives portent sur l'inflation : est-ce que
nous nous dirigeons vers une spirale déflationniste ou vers un regain
d'inflation ?

À court terme, l'effondrement de la
demande mondiale plaide pour le premier scénario. Après une forte chute liée à
la pandémie, la production ne retrouvera pas son niveau en l'espace de quelques
mois. Si les capacités de production peuvent être rétablies assez vite, la
demande mettra plus de temps à retrouver son niveau antérieur. Par ailleurs,
l'effondrement des cours du pétrole et d'autres matières premières créera une
pression déflationniste, mais qui sera, selon nous, temporaire. Cette pression
déflationniste laissera progressivement la place à un environnement plus
inflationniste. En définitive, la crise actuelle est très différente d'une
crise économique ou financière traditionnelle. Aujourd'hui, le système
financier est sur pied et fonctionnel. La masse monétaire et le crédit
connaissent une expansion. La relocalisation des activités consécutive à la
crise sanitaire (que nous abordons plus en détail dans la section
« Politique ») pourrait également alimenter les tensions
inflationnistes.

T A U X

La mise en place du confinement a
été un défi de taille pour les pouvoirs publics mais le retrait des mesures de
soutien à l'économie s’annonce encore plus périlleux. Il faut s'attendre à une
accentuation de la volatilité à mesure que les responsables politiques
préparent le retrait des mesures de soutiens actuelles.

De nombreux observateurs estiment
que le marché des taux d'intérêt est aujourd'hui administré. Il ne s'agit pas
d'un marché libre où les prix sont déterminés par l'équilibre entre l'offre et
la demande. Les acheteurs ou les vendeurs marginaux ne font guère le poids face
aux banques centrales. Nous sommes de facto dans un régime de contrôle de la
courbe des taux (peut-être pas encore officiellement, mais au moins de manière
fortuite pour le moment). Si la Fed continue d'acheter des obligations au même
rythme qu'aujourd'hui, elle pourrait détenir la totalité de la dette des
États-Unis d’ici un an environ. S’agissant des taux d'intérêt, la course aux
taux zéro est déjà engagée (le Japon et la zone euro semblent avoir déjà
franchi  la ligne d'arrivée et les
États-Unis s’y dirigent tout droit). En bref, les taux d'intérêt zéro
pourraient devenir la nouvelle norme.

Il est tout simplement trop tôt
pour se montrer négatif à l'égard des bons du Trésor américain. Un rebond des
rendements américains est possible mais il devrait se heurter au vieil adage
selon lequel « il ne faut jamais aller à l’encontre de la Fed » dans
ce contexte de sous-utilisation des capacités de production et de craintes
déflationnistes. L'inflation deviendra une menace grandissante mais pas avant
que l'activité économique ait entièrement retrouvé son niveau tendanciel
antérieur à la crise.

L'effet d'éviction (lorsque la dépense
publique entraîne une érosion de la dépense privée) est un cauchemar pour la
plupart des économistes du point de vue de l'allocation efficace du capital.
Mais nous pensons qu'il s'agit d'une situation temporaire. Les renflouements
d'entreprises sont synonymes de dilution des actionnaires mais pas d'un
basculement dans une économie marxiste.

A C T I O N S

En l'absence d'une croissance
économique vigoureuse, les entreprises auront plus de mal à réaliser des
bénéfices.  Par conséquent, cette crise
renforce la nécessité de faire le tri entre les différentes valeurs. Il est
vrai qu'une telle affirmation de la part d'une équipe de gestionnaires d’actifs
peut être considérée comme un concentré d'idéologie et de clichés. Mais dans la
mesure où les répercussions de la pandémie commencent seulement à se faire
sentir, il convient de bien comprendre les paramètres de liquidité et de
solvabilité pour éviter de tomber dans le piège en investissant dans des
entreprises structurellement en déclin. La capacité à évaluer la solidité d'un
bilan, aussi exigeant cet exercice soit-il, paiera davantage que l'achat  d’un simple  « label de qualité ».

La crise actuelle devrait se
traduire à l'avenir par une propension accrue à l'épargne et une réticence à
l'emprunt, à la prise de risque et à l’effet de levier excessif. L'augmentation
des taux d'épargne limitera la croissance économique mais, d'un autre côté, les
finances des ménages et des entreprises pourraient aussi devenir plus solides
au fil du temps. Les entreprises qui mettent l'accent sur la croissance de leur
chiffre d'affaires au détriment de la rentabilité susciteront davantage de
scepticisme chez les investisseurs. Hier encore, lorsqu'une entreprise
dévoilait de mauvais résultats, on disait souvent qu'elle n'avait pas été à la
hauteur des estimations des analystes. Or ce ne sont pas les résultats qui ne
sont pas conformes aux estimations mais plutôt l'inverse. Peut-être que demain,
nous dirons que les analystes se sont trompés.

Il y a un aspect que la crise du
Covid-19 ne devrait pas changer du tout au tout : le profil des
locomotives du marché actions. La suprématie des valeurs de croissance et des
géants technologiques devrait perdurer. L'idée selon laquelle les entreprises
les plus performantes sont à même de rafler une bonne partie des récompenses,
limitant ainsi la capacité de nuisance de leurs concurrentes, reste pertinente
dans le contexte actuel. Le cercle vertueux par lequel la réussite d'une
entreprise est déterminée par l'accès à des capitaux bon marché, qui est
lui-même le fruit de sa réussite, devrait perdurer.

Les autres gagnants de demain
pourraient bien être les laboratoires pharmaceutiques, les sociétés
biotechnologiques et les acteurs des sciences de la vie compte tenu de l'afflux
massif de capitaux vers la recherche sur les virus. Dans les années à venir,
les budgets établis par les gouvernements devront tenir compte de la nécessité
d'améliorer fortement le degré de préparation à une nouvelle pandémie.

L’offre digitale , la
confidentialité, la sécurité et le big data sont les domaines dans lesquels les
avantages concurrentiels s’obtiennent. La distanciation sociale perdurera dans
un avenir proche et tous les enjeux susmentionnés revêtiront une importance
encore plus grande dans une société disparate et convertie au numérique.
« Fortnite » (un jeu vidéo en ligne) devance aujourd'hui le mot
« football » dans les recherches Google, ce qui est assez révélateur
de notre époque.

On s'attend également à ce que l'engouement pour l'investissement durable s'accentue. Les modèles d'affaires respectueux de l'environnement sont toujours privilégiés par les investisseurs (et de plus en plus par les autorités et les régulateurs), d'autant que de plus en plus d'éléments tangibles suggèrent que ce type de pandémie est imputable à notre relation distendue avec la nature. Selon les théories des zoonoses, la déforestation (à cause de l’exploitation forestière, de l’exploitation minière, de la construction de routes traversant des zones reculées, de l’urbanisation et de la croissance démographique) met les gens en contact plus étroit avec des animaux sauvages porteurs d'agents pathogènes. Un plan de relance économique favorisant la transition écologique semble nécessaire. La dimension sociale de la gestion ESG est également appelée à s'accentuer.

P O L I T I Q U E

S'agissant de la nouvelle norme,
l’auteur de Sapiens Yuval Noah Harari considère que le libéralisme ne
peut plus venir sous la forme d'un pack complet (libre-marchés, libre-échange
et libertés individuelles). D’après lui, nous nous dirigeons plutôt vers un
« buffet libéral » dans lequel les dirigeants piocheront ce qui leur
convient. Par exemple, la politique de l'administration Trump soutient
résolument les marchés libres aux États-Unis tandis qu’elle a tendance à réglementer
 le commerce international. La pandémie,
qui était l'occasion de renforcer les liens entre les différents pays du monde
en les unissant contre un ennemi invisible, semble au contraire accentuer les
divisions et accélérer cette évolution. L'administration américaine a récemment
pointé du doigt la Chine comme la source du virus et le président Trump a
déclaré que les droits de douane seraient « le châtiment ultime ». Le
jeu des reproches, que l'on a pu observer lors des précédents épisodes de la
guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, semble reparti de plus
belle.

La crise du Covid-19 constitue une
nouvelle épreuve majeure pour la zone euro. Le manque de solidarité initial a
fait le bonheur des populistes et des nationalistes et sème le doute quant à
l'intégrité et la pérennité de l'Union européenne. M. Harari observe que,
même si de nombreux régimes populistes et autoritaires d'aujourd'hui
revendiquent leur caractère « antilibéral », aucun d'entre eux ne
rejette le libéralisme dans sa totalité, ce qui conforte sa théorie du
« buffet libéral ».

On peut raisonnablement s'attendre
à ce que cette nouvelle forme de libéralisme se traduise par des chaînes
d'approvisionnement davantage concentrées sur une région (si ce n'est un
rapatriement total de la production), notamment en ce qui concerne les biens
considérés comme « essentiels » ou « stratégiques ». La
démondialisation n'est pas un phénomène nouveau mais il va probablement
s'accélérer. Avant la crise, l'économie reposait lourdement sur le
« lean », la production « juste à temps » qui permet de
limiter le coût des stocks. Toutefois, la pandémie a mis en évidence la
nécessité de chaînes d'approvisionnement « juste au cas où », un
principe de précaution qui suppose de mettre de côté des moyens financiers et
des ressources dans l'optique d'une période difficile. Les responsables
politiques devront également s'efforcer de combler le fossé entre les riches et
les pauvres que la pandémie a amplifié. Tous les citoyens n'ont pas été égaux
devant la pandémie. Les individus de la classe moyenne inférieure ont été les
plus pénalisés car le télétravail est impossible pour la plupart d'entre eux.
La fragilité des travailleurs précaires [3], qui sont légion dans notre société
moderne, est une réelle menace pour la cohésion sociale. Il est difficile de
savoir où ces enjeux nous mèneront, et comment, mais les inégalités
grandissantes risquent de créer un terrain propice à une radicalisation, à une
montée du populisme et à la désobéissance sociale, dont les conséquences
pourraient être considérables.

M O D E S  D E  V I E

La vie après le confinement ne sera
pas la même. Les entreprises qui avaient traîné les pieds pour se doter des
outils nécessaires au télétravail ont soudainement été obligées de mettre en
place ces technologies, qui vont probablement entrer dans les mœurs. Dans un
entretien accordé au Financial Times, le directeur général de Tata
Natarajan Chandrasekaran prévoyait un tournant majeur en faveur d'une
organisation du travail plus flexible à partir de maintenant. D'après lui, le
télétravail pourrait se traduire par des gains de productivité de 25 %
dans la mesure où les travailleurs passent moins de temps dans les transports
et savent à quel moment de la journée ils travaillent le plus efficacement,
sans oublier la diminution des dépenses sur site pour les entreprises. À plus
long terme, l'essor du télétravail pourrait avoir de vastes
répercussions : on pourra plus facilement se passer de la voiture (et plus
généralement, limiter les déplacements professionnels) et réduire les émissions
de CO2 et NO2. Enfin, les gens ne seraient plus autant
obligés de vivre dans les grandes villes, ce qui pourrait avoir un impact sur
la dynamique des marchés immobiliers.

Pour limiter le risque d’une
deuxième vague d'infections susceptible de ruiner tous les efforts précédents
pour aplatir la courbe, la distanciation sociale fera partie intégrante de
notre quotidien dans un avenir proche. Aussi, oubliez les sacs à main, les
masques de protection faciale deviendront probablement les accessoires les plus
prisés de la collection automne/hiver 2020 ! Pour maintenir une distance
de deux mètres entre leurs clients, les entreprises vont devoir revoir leur fonctionnement.
Effectuer une réservation était autrefois une nécessité pour les restaurants
huppés mais il se peut que cela devienne également incontournable pour acheter
même les choses les plus élémentaires, comme le matériel de bricolage. En
Espagne, les magasins qui sont en train de rouvrir progressivement ont mis en
place de tels systèmes de réservation pour limiter le risque de contagion.
Quant aux activités tertiaires, elles vont devoir se convertir à une
« économie de la chaise vide ». Pour respecter la distanciation
sociale, les restaurants devront probablement limiter leur capacité d'accueil.
Il en va de même pour les transports en commun et les compagnies aériennes, qui
pourraient être obligés de laisser un certain nombre de sièges vides. Là
encore, cela pourrait alimenter une certaine inflation en faisant grimper le
prix des billets et avoir un impact sur les marges des entreprises. Nous
verrons quelle sera la propension des gens à reprendre leurs habitudes face à
cet ennemi invisible.

Rien ne dit que la consommation
(qui est l'épine dorsale de l'économie) renouera avec les normes d'avant la
crise. Cela dépendra largement du pouvoir d'achat des ménages. À en croire les
30 millions d'inscriptions au chômage enregistrées aux États-Unis, cela
semble un vœu pieux dans l'immédiat, même s'il convient de nuancer notre
pessimisme compte tenu des plans de relance budgétaire sans précédent (hors contexte
de guerre) adoptés à travers le monde. Une variable psychologique est également
à l'œuvre : les accrocs au shopping sont peut-être chez eux en train de
dresser la liste de toutes les choses qu'ils vont acheter après le
déconfinement. Ou alors, peut-être qu'un plus grand nombre de gens ont mis à
profit le confinement pour se livrer à une introspection et ont réalisé qu'ils
peuvent très bien se passer de toutes les choses qu'ils consomment
habituellement. Peut-être que le minimalisme l'emportera sur le consumérisme.
Du point de vue du développement durable, voilà qui nous aiderait à respecter
les limites de notre planète.

V I E  P R I V É E

Dans un monde où les données sont la nouvelle matière première essentielle, le respect de la vie privée des individus était déjà une préoccupation grandissante. La pandémie a accentué cette inquiétude car de nombreux gouvernements envisagent de recourir à des technologies permettant de surveiller et de suivre la trace des individus pour redémarrer l'économie tout en minimisant le risque de reprise de l'épidémie. Au Liechtenstein par exemple, des bracelets qui détectent immédiatement les symptômes chez ceux qui les portent sont en cours d'essai. Lorsqu'un appareil peut prendre votre pression artérielle et votre température corporelle et interpréter vos réactions, on peut considérer que la surveillance franchit un nouveau palier. Dans certains pays asiatiques ainsi qu'en Italie, des applications pour smartphones ont permis aux autorités d'identifier rapidement des porteurs présumés de la maladie et de suivre leurs déplacements. Il n'y a rien à redire si ces mesures sont temporaires. Toutefois, il existe un risque une fois tournée la page de l'épidémie de coronavirus que les gouvernements très friands de données affirment qu'il est nécessaire de maintenir ces systèmes de surveillance pour prévenir une éventuelle deuxième vague, une nouvelle maladie en provenance de l'étranger, etc.

Au final, le principal enseignement est que la crise du coronavirus a
rebattu les cartes et qu’en définitive, le monde ne sera plus le même qu'avant.
Mais le changement n'est pas quelque chose qu'il faut redouter car il
s'accompagne aussi de belles opportunités. Il s'agit peut-être d'une occasion
rêvée de redonner du tonus à des économies moribondes et de développer un peu
de muscle économique pour le futur. Il est vrai que « l'économie zombie »
à laquelle nous pourrions être confrontés dans les prochains mois constituera
un environnement d'exploitation difficile pour les entreprises. Celles dont la
survie ne tient plus qu'à un fil depuis des années ou qui ne créent pas
véritablement de valeur ajoutée seront malmenées. En revanche, les entreprises
les plus aptes, qui innovent et créent réellement de la valeur, sont
susceptibles de tirer leur épingle du jeu. Il est possible que les chaînes
d'approvisionnement soient raccourcies mais il est peu probable que la
mondialisation, un concept qui remonte à l'époque de la Route de la soie,
disparaisse. Comme mentionné dans l'introduction, lorsque l'on n’a pas
d’emprise sur les événements, on peut toujours maîtriser la réponse que l'on y
apporte. Ce break dans notre quotidien est l'occasion pour nous de réfléchir à
l'avenir que nous voulons et d’adapter nos modes de vie en conséquence. Ce qui
est certain, c'est qu'il sera difficile d'échapper à la volatilité alors que le
monde s'efforce de reprendre pied et de s'adapter à la nouvelle norme. Pendant
cette période, nous privilégions les entreprises de grande qualité avec des
modèles d'affaires résistants, et qui pourront mettre à profit leur bilan sain
de façon opportuniste lors de la reprise. Les portefeuilles dynamiques dotés
d'absorbeurs de chocs tels que les bons du Trésor américain devraient bien
résister.

Appendix

  1. https://www.washingtonpost.com/history/2020/03/12/during-pandemic-isaac-newton-had-work-home-too-he-used-time-wisely/
  2. https://www.collaborativefund.com/blog/whats-different-this-time/
  3. La
    notion de travailleurs précaires englobe les travailleurs indépendants, les
    personnes qui travaillent pour des plates-formes Internet, les travailleurs de
    garde et les intérimaires. Ces travailleurs concluent des accords formels avec
    des entreprises qui font appel à eux ponctuellement pour fournir des services à
    leurs clients.


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