Pour remédier à cette situation, l’une des solutions serait de doper la productivité, afin de préserver une croissance économique pérenne. Les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle (IA), ont ici le potentiel de jouer un rôle clé, mais il faudra pour cela que leur adoption soit rapide et que les entreprises se restructurent pour les exploiter au mieux.
Un taux de fécondité en baisse en Europe
Selon le Fonds des Nations unies pour la population, le nombre de naissances par femme à l’échelle mondiale a progressivement diminué au cours des 75 dernières années, passant de 5 en 1950 à 2,3 en 2021, et devrait atteindre 2,1 d’ici 2050, ce qui correspond au taux de remplacement ou de fécondité nécessaire pour que la population reste stable. Le taux de fécondité est déjà inférieur au taux de remplacement dans de nombreux pays européens. Les Nations unies anticipent une contraction de la population européenne de 7% entre 2022 et 2050, ce qui aura un impact significatif sur la croissance. Le Luxembourg figurait parmi les rares pays à afficher un taux de fécondité inférieur au taux de remplacement dès 1950, lorsque les Nations unies ont commencé à collecter des données. Bien que le taux de fécondité ait légèrement augmenté dans les années qui ont suivi, il reste encore inférieur au taux de remplacement.
Un risque pour la croissance
Un déclin démographique en Europe est-il vraiment si problématique? Il pourrait s’avérer difficile pour les travailleurs européens de maintenir le niveau de vie auquel ils sont habitués, et pour les gouvernements d’atteindre les objectifs de croissance qu’ils se sont fixés. Sans changements significatifs, l’allongement de l’espérance de vie et le vieillissement de la population remettront en cause la viabilité économique des modèles de revenus et de retraite actuels. La croissance économique est en effet directement liée à la taille de la population active. Toute diminution de la main-d’œuvre aura un impact sur la croissance, car un moindre nombre de travailleurs contribuera à la production de biens et de services.
Pour maintenir la situation actuelle, une solution serait évidemment d’encourager les naissances. Certains pays, comme la Norvège, qui ont investi massivement dans des politiques familiales, éprouvent toujours des difficultés à faire grimper leur taux de fécondité de manière significative. Et même si les pays européens parvenaient à persuader les couples d’avoir plus d’enfants, il faudrait attendre au moins 20 ans avant qu’ils ne fassent leur entrée sur le marché du travail.
Une autre solution serait de faire travailler les travailleurs plus longtemps. Au Japon, par exemple, le taux d’emploi des personnes âgées de 65 ans ou plus a atteint 25,2% en 2022, contre 18,6% aux États-Unis et 10,9% au Royaume-Uni. Cependant, l’adoption d’une telle mesure dans les pays européens est mal perçue. En France, le projet de relèvement de l’âge de la retraite à 64 ans avait ainsi suscité de vives protestations en 2022 et poussé la population à descendre dans les rues.
Accroître la productivité pour compenser en partie la perte de production
Pour faire face à la menace que la contraction de la population active fait peser sur la croissance, l’Europe doit inverser la tendance baissière de sa productivité. Selon Eurostat, la croissance annuelle de la productivité dans l’Union européenne a ralenti, passant de 1,5% entre 1999 et 2008 à -0,6% en 2023. Cette baisse s’explique notamment par un manque d’investissements et une diffusion des technologies en berne. Le PIB par habitant dépend directement du nombre d’heures de travail et de la productivité de ce travail. Par conséquent, si le travail est plus productif, la main-d’œuvre peut être moins importante.
L’IA pourrait apporter une solution, car cette technologie a le potentiel de stimuler la productivité, à l’image d’internet dans les années 1990. Selon le Forum économique mondial, grâce à internet, la croissance annuelle moyenne de la productivité des entreprises non agricoles aux États-Unis a atteint 2,5% entre 1991 et 2007, contre 1,5% au cours des 15 années précédentes. Pour l’heure, toutefois, les résultats concrets de l’IA en matière de productivité se font toujours attendre. Quoi qu’il en soit, les entreprises devront se réinventer pour que leurs employés travaillent avec l’IA.
Les gains de productivité ne constituent pas une solution miracle et devraient être considérables pour compenser à eux seuls la perte de production découlant d’une contraction de la main-d’œuvre. Il serait préférable qu’ils s’accompagnent d’un allongement de la vie active et d’une hausse des taux de fécondité afin de désamorcer la bombe à retardement démographique. Dans ce cadre, l’IA et les nouvelles technologies ne doivent donc pas être considérées comme un risque, mais plutôt comme une bouffée d’oxygène pour le modèle de sécurité sociale européen.
Un changement inévitable
L’Europe se trouve à un tournant décisif, confrontée au double défi du vieillissement de sa population et de la baisse de sa productivité. L’innovation et l’adaptation sont plus que jamais des impératifs. À l’avenir, l’adoption de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle sera déterminante, mais elle devra passer par un engagement collectif de la part des entreprises, des gouvernements et des particuliers. Par ailleurs, il est possible de tirer des leçons de pays comme le Japon, où la participation accrue des personnes âgées au marché du travail a profité à l’économie. En adoptant de telles pratiques et en remédiant activement aux facteurs qui contribuent à la baisse de la productivité, la main-d’œuvre européenne pourra continuer à se renforcer, malgré une diminution de sa taille.