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avril 26, 2023

Focus

Le casse-tête des salaires dans la zone euro

À l'instar de bien d'autres régions, la zone euro a subi un choc inflationniste qui s'est traduit par une baisse des salaires réels. Alors que les travailleurs tentent de récupérer leur manque à gagner, les consommateurs risquent d'en faire les frais, entraînant l'inflation dans une spirale auto-alimentée...

En raison de divers facteurs tels que l'hétérogénéité des mesures prises par les gouvernements pour protéger les ménages de l'inflation, les nuances structurelles et les différences dans les phases du cycle où se trouvent les pays, la baisse du revenu réel n'est pas ressentie partout de la même manière à travers la zone euro... Certains États sont parvenus à mieux protéger le pouvoir d'achat grâce à l'indexation des salaires. Au Luxembourg, par exemple, à chaque variation de 2,5 % de l'indice des prix à la consommation (IPC), les salaires sont en principe automatiquement ajustés du même pourcentage. De même, en Belgique, ils sont liés à l’indice santé, qui correspond globalement à l'IPC, mais exclut certains produits tels que le tabac, l'alcool et les carburants. Alors que la France a abandonné le mécanisme d'indexation pour éviter la spirale des prix et des salaires, la rémunération minimale reste indexée sur l'inflation et sert de base à l'ensemble de la structure des bas salaires. Les salaires réels dans l'Hexagone figurent parmi les plus élevés de l'Union européenne en raison de mesures fiscales généreuses visant à protéger les ménages de l'augmentation du coût de la vie.

Source : OCDE, BIL

Dans les pays où l'indexation des salaires n'est pas automatique, les syndicats ont joué un rôle dans l'obtention de rémunérations plus élevées. En Allemagne, par exemple, les employeurs et les syndicats du secteur manufacturier ont convenu en novembre dernier d'une hausse de 8,5 % pour près de 4 millions de salariés. Ces mesures ont été complétées par un relèvement du salaire horaire minimum, passant de 9,82 à 12 EUR en 2022, au bénéfice d'environ six millions des 45 millions de travailleurs allemands. Les négociations collectives se poursuivent dans la plus grande économie d'Europe, en particulier dans le secteur des transports.

En raison de ces différents mécanismes, les coûts horaires de la main-d'œuvre dans la zone euro ont enregistré une hausse record de 5,7 % au quatrième trimestre 2022 par rapport à la même période en 2021. Par branche d'activité économique, la croissance des coûts de la main-d'œuvre a été la plus forte dans la construction (6,9 %), suivie par les services (6,2 %) et l'industrie (4,4 %).

Jusqu'à présent, la hausse des salaires n'a pas suffi à compenser l'augmentation du coût de la vie. Toutefois, dans la mesure où le marché du travail demeure très tendu et où une grave crise énergétique a pu être évitée, les travailleurs utilisent leur pouvoir de négociation pour compenser la perte de pouvoir d'achat.

Si l'on considère la situation dans son ensemble, il existe un risque réel d'enlisement au niveau de l'inflation. Quand bien même l'inflation globale devrait fortement ralentir cette année, sous l'effet de la baisse des prix de l'énergie, des effets de base et de l'atténuation des goulets d'étranglement au niveau de l'offre, la dynamique de l'inflation sous-jacente demeure vigoureuse. Selon les projections de la BCE, elle ne retrouvera pas un niveau conforme à son objectif de 2 % avant 2025 au plus tôt. Si les salaires continuent d'augmenter pour combler l'écart, les progrès accomplis pour tenter de freiner l'inflation risquent d'être réduits à néant. Pourquoi ? Les employeurs répercuteront vraisemblablement ces coûts plus élevés sur les consommateurs et, à leur tour, les prix continueront d'augmenter, déclenchant ainsi une spirale qui s'auto-alimente.

Pour la BCE, les pressions salariales alimentent déjà l'inflation sous-jacente (qui continue d'atteindre de nouveaux sommets, dont le plus récent est de 5,7 % en glissement annuel). Alors qu'avant la pandémie, les articles sensibles aux salaires ne contribuaient qu'à hauteur d'environ 0,5 point de pourcentage à l'inflation sous-jacente, cette contribution a plus que doublé au cours des derniers mois. Ce n'est pas tellement problématique pour les biens, car les salaires ne représentent que 20 % environ des coûts directs des intrants pour les entreprises manufacturières. En revanche, ils constituent environ 40 % des coûts directs pour les fournisseurs de services, et l'inflation des services représente près des deux tiers de l'inflation sous-jacente !

On comprend dès lors aisément pourquoi les banques centrales s'inquiètent de l'apparition d'une spirale prix-salaires. Le risque principal, comme l'a souligné Mme Lagarde elle-même, est que les employeurs et les travailleurs tentent de minimiser les pertes au niveau de leurs marges pour les uns, et de leur fiche de paie pour les autres. Le risque d'une telle dynamique de surenchère est d'autant plus grand que les marchés du travail sont extrêmement tendus et que la concurrence pour la main-d'œuvre est féroce.

Alors que la BCE poursuit son objectif « non négociable » de ramener l'inflation à son niveau cible, la croissance des salaires sera donc un facteur déterminant de l'ampleur du resserrement nécessaire et, en fin de compte, de la question de savoir si la zone euro est confrontée à un atterrissage brutal ou à un atterrissage en douceur.


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