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juillet 24, 2023

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Qu’est-ce qui plombe l’économie allemande et quelles sont les implications pour l’Europe ?

L'Allemagne, quatrième économie mondiale et première puissance économique de l’UE, a entamé l'année 2023 en récession. Compte tenu de ses perspectives de croissance pour l'ensemble de l'année, qui font pâle figure face à celles des autres pays du continent, l'idée selon laquelle l'Allemagne est redevenue « l'homme malade de l'Europe » se répand. Si cela s'avérait exact, les symptômes ne pourront être contenus à l'intérieur de ses frontières...

À la fin des années 90, le journal The Economist qualifiait l'Allemagne d'« homme malade de l'Europe ». Le pays supportait alors les coûts de la réunification et était confronté à un taux de chômage élevé et à une faible demande intérieure. Depuis, son économie s'est rapidement transformée. De retardataire, elle est devenue la locomotive de la croissance européenne et générait, en 2022, environ un quart du PIB global de l'UE.

L'économie allemande repose sur un vaste secteur manufacturier, qui produit environ un cinquième de la valeur ajoutée brute. Pour faire simple, le modèle commercial de l'Allemagne consiste à importer des matières premières et de l'énergie bon marché (en grande partie en provenance de Russie) pour les transformer ensuite.

En raison de l'importante demande mondiale pour ses produits, les exportations représentent environ 40 % de son PIB. Depuis 7 ans déjà, la Chine est le principal partenaire commercial de l'Allemagne, lui fournissant des matières premières telles que les métaux de terres rares  et constituant un important marché d'exportation pour les entreprises allemandes. Les États-Unis arrivent en deuxième position et figurent parmi les principaux acheteurs de matériel de transport, de machines, de produits chimiques et de matières plastiques en provenance d'outre-Rhin. Au cours de la dernière décennie, la profonde intégration du secteur industriel allemand au sein des chaînes de valeur internationales a fait du pays un gagnant incontestable de la mondialisation florissante.

Qu'est-ce qui plombe l'économie allemande ?

Aujourd'hui, l'Allemagne est confrontée à ce qui est probablement son plus grand défi économique depuis la réunification. L'impact de problèmes de fonds , comme la montée du protectionnisme et la baisse de compétitivité du pays, qui se faisait déjà sentir sur l'économie, a été accentué par une double crise.

Pendant la pandémie, l'Allemagne était naturellement plus exposée aux goulets d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement mondiale et, avant que son secteur manufacturier n'ait eu le temps de se rétablir complètement, la Russie a envahi l'Ukraine. Affichant un taux de dépendance énergétique de 63 % (contre une moyenne européenne de 57,5 %), le pays a encore une fois été touché de manière disproportionnée. Les entreprises du secteur manufacturier, très énergivore, ne pouvaient plus compter sur un flux régulier de gaz bon marché en provenance de Russie et ont été contraintes de se tourner vers les marchés mondiaux de l'énergie, plus volatils.

Dans le même temps, les conditions du commerce mondial se sont détériorées. Après un confinement prolongé en raison de la pandémie, l'économie chinoise peine à redémarrer, tandis que celle des États-Unis ralentit alors que la Fed relève ses taux pour lutter contre l'inflation.

De façon plus structurelle, il semble que l'âge d'or de la mondialisation soit révolu. Le protectionnisme est de retour. Dès avant la crise sanitaire, les États-Unis ont imposé des droits de douane sur l'acier et l'aluminium européens et, plus récemment, ils ont adopté la loi sur la réduction de l'inflation, qui prévoit 369 milliards de dollars de dépenses et offre des subventions aux entreprises désireuses d'installer leur production dans le pays. À l'Est, la Chine continue de  peser sur la domination de l'Allemagne dans certains secteurs, dès lors que Pékin a défini des domaines stratégiques prioritaires, tels que l'énergie propre et les transports. À titre d'exemple, la part des voitures électriques exportées de Chine à destination de l'Allemagne a plus que triplé au premier trimestre 2023. Il s'agit là d'un signe inquiétant qui témoigne des difficultés rencontrées par l'industrie automobile allemande, très prisée, pour s'adapter à l'abandon du moteur à combustion. Dans les milieux politiques, les appels à une réduction de la dépendance « unilatérale » à l'égard de la Chine se multiplient.

Avec un modèle de commerce extérieur en perte de vitesse, l'Allemagne ne peut pas non plus compter sur la demande intérieure pour soutenir la croissance. L'inflation élevée, la hausse des taux d'intérêt et l'érosion des salaires réels pèsent sur la consommation intérieure, qui a chuté de 1,2 % en glissement trimestriel au 1er trimestre.

Ce tableau serait bien entendu incomplet si l'on ne mentionnait pas les problèmes structurels qui pèsent sur une grande partie du Vieux Continent. La population allemande vieillit. Pour compenser cette évolution, le pays doit faire venir 400.000 travailleurs étrangers qualifiés par an (bien plus qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent). L’Europe est également à la traîne en termes de digitalisation, et ne compte pas d'entreprises capables de rivaliser avec les FAANG alors que la quatrième révolution industrielle est en marche.

D'une certaine manière, l'Allemagne a été victime de son succès, en s'appuyant excessivement sur un modèle qui semble être dépassé. Les temps changent vite et l'Allemagne devra rapidement réorienter son économie.

Les difficultés de l'Allemagne ont des répercussions sur l'Europe

La désynchronisation du cycle économique allemand avec celui du reste de la zone euro pourrait compliquer la tâche de la BCE dans le cadre de ses tentatives de définir une  politique monétaire optimale pour la zone Euro, augmentant par conséquent le risque d'un faux pas. L'importance économique de l'Allemagne signifie également que tout ralentissement prolongé aura des répercussions au-delà de ses frontières. Avec une population de 82,4 millions d'habitants, le pays est le plus grand marché de consommation de l'Union européenne. Il s'agit en outre du principal partenaire commercial d'une longue liste d'États membres, notamment la France, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique, la Pologne, la Slovaquie et... le Luxembourg. Les échanges avec l'Allemagne représentent 27 % du commerce extérieur total du Grand‑Duché et si elle redevient « l'homme malade de l'Europe », le Luxembourg risque fort de s'enrhumer.


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